C'est le jour de la commémoration de l'holocauste, le silence et le recueillement en souvenir des 6 millions de juifs exterminés par la machine nazi durant la seconde guerre mondiale. Il est fêté le 27 Nissan (dans le calendrier Hébraïque, ce qui correspond tous les ans à des dates différentes dans le calendrier civil).
Ce jour là, à 10 heures, toutes les sirènes du pays retentissent en même temps et pendant deux minutes. Le pays est paralysé, les bus et les voitures s'arrêtent et les gens en descendent pour se recueillir. Tous les drapeaux du pays sont en berne, les médias diffusent de la musique douce et des reportages sur l'holocauste.
Dans les lycées c'est le moment qui est choisi pour rappeler aux jeunes cette page du livre d'histoire qui ne devra jamais se refermer. C'est le moment de leur inculquer ce devoir de mémoire qu'ils doivent absolument perpétuer. Chaque année dans les lycées, un programme subventionné par le ministère de l'Education prévoit d'envoyer des groupes de jeunes à Auschwitz pour participer ce jour à "La marche des vivants".
On est pas vraiment préparé à ce genre de manifestation et je peux vous assurer que la première fois que j'ai entendu cette sirène retentir ça a été un intense moment d'émotion. Voir tout un peuple dans un même élan et à l'unisson s'arrêter, se figer, se souvenir et se recueillir, c'est fort, c'est un moment que l'on n'oublie pas et qui nous marque à jamais.
Posté sur mon blog le 10 mai 2008
Marie est d'origine polonaise. Elle habite à Paris, rue de Meaux dans le 19 ème arrondissement. Son père, Icek, tailleur de métier possède une petite boutique qu'il a du laisser suite aux mesures restrictives à l'égard de la population juive. Il a été envoyé dans les Ardennes où il travaille dans une ferme.
Le 16 juillet 1942, pendant la râfle du Vel d'hiv, Marie est arrêtée avec sa maman. Elle envoie une première lettre à son père, lui disant qu'elles sont internées à Drancy mais qu'elles n'y resteront certainement pas longtemps.
Elles sont transférées au camp de Pithiviers dans le Loiret. Le 31 juillet, Marie est séparée de sa mère qui part dans un convoi pour Aushwitz où elle décèdera quelques temps plus tard. Marie adresse alors un second courrier à son papa.
Mon cher papa, Je suis malade, j'ai la scarlatine, ce n'est pas très grave mais ça dure très longtemps. Il faut rester 40 jours au lit, les premiers jours on n'a pas le droit de manger, alors on boit du lait. Je suis en très bonne santé. il y a 18 jours que je suis malade. on mange bien, de la purée de pommes de terre, du riz, du vermicelle. Je t'embrasse bien fort. Ta petite fille qui t'aime.
Le 27 août 1942, Marie écrit une troisième lettre à son père....
Mon cher Papa, Je profite de mon temps pour t'écrire une deuxième carte. je m'excuse de ne pas avoir écrit plus tôt parce que dans l'infirmerie il y a des enfants plus petits que moi alors quand l'infirmière et la dame qui s'occupe des enfants malades ne sont pas là les grands doivent s'occuper des plus petits. J'ai retrouvé mes camarades de paris. J'ai vu Fanny avec son petit frère. quand j'étais pas malade je jouais tout le tant avec elle et aussi j'ai retrouvé Robert avec sa mère et son père. alors je ne m'ennuyais pas. [...]je t'embrasse bien fort. Ta petite fille qui t'aime beaucoup.
La quatrième lettre est envoyée le 29 Août
Mon cher Papa, J'espère que tu ne t'ennuie pas de trop et que les pommes de terre poussent bien. moi ça va bien mais je m'ennuie quand même un peu. Il y a quelques jours on s'est bien amusés. la dame qui nous garde nous a donné du pain d'épice avec des poires et des prunes on s'est bien régalés. la dame est très gentille avec moi. on est très gâtés. c'est bon ce qu'on nous donne à manger seulement on a pas le droit de manger des choses salées alors quand c'est pas sucré c'est pas bon. Je pense beaucoup à toi. est-tu en bonne santé ? moi si je suis seulement fatiguée de rester dans mon lit alors je me lève un peu. Je n'ai plus rien à t'écrire. Je t'embrasse bien fort.
ta petite fille qui t'aime.
La 5ème lettre est envoyée 2 septembre
Mon cher papa
Je t'écris encore une fois pour te dire que je vais bientôt être guérie. J'ai bon appétit, je mange bien, je dors bien et je m'amuse bien. j'espère que tu ne t'ennuie pas trop, que tu manges bien, que tu dors bien, comme moi et que tu es en bonne santé. Je ne sais plus quoi t'écrire.
Je t'embrasse bien fort.
ta petite fille qui t'aime beaucoup
La 6ème lettre est envoyée le 11 septembre
Mon cher papa
je m'excuse de ne pas t'avoir écrit plus tôt. tu vas pouvoir m'envoyer un colis 2 fois par mois et une lettre toutes les semaines. Dans l'enveloppe tu vas en trouver une autre dans laquelle il y aura une fiche que tu devras coller. L'enve[loppe de la lettre que tu vas m'écrire il faut la mettre dans l'autre enveloppe. je ne te demande pas grand chose parce que je sais que tu ne pourra pas m'envoyer beaucoup. Quand retourneras-tu à Paris. moi je m'ennuie beaucoup.Je t'embrasse bien fort. ta petite fille qui t'aime beaucoup
La septième et dernière lettre partira de Pithiviers le 18 septembre
Mon cher papa, il y a très longtemps que je n'ai t'ai pas écrit parce que j'attendais la permission d'écrire des lettres. tu va pouvoir m'envoyer une réponse dans l'autre enveloppe. Je voudrais si tu peux, que tu m'envoie ma photo celle de maman et la tienne. il y a très longtemps que je ne t'ai pas vu. j'espère que je te reverrais bientôt. essaie de me faire sortir ainsi je serais avec toi, ici je perds toutes mes forces. J'ai beaucoup maigri, je suis encore malade, j'ai attrapé une autre maladie, la varicelle, il y a des gens qui disent qu'on va libérer les enfants qui ont moins de 16 ans. j'espère que j'aurai la réponse le plus tôt possible. Sois en bonne santé, surtout ne tombe pas malade comme moi je fais. Ne t'ennuie pas comme moi car je pleure souvent en pensant à toi. Ta petite fille qui t'aime et qui t'embrasse bien fort
Trois jours après avoir écrit cette lettre, Marie Jelen a été déportée par le convoi n°35 qui est parti de Pithiviers (France) le 21 septembre 1942. Avec elle, 1015 autres personnes, entassées dans des wagons à bestiaux. Il y avait 163 enfants parmi eux car aucun enfant de moins de 16 ans n'a été libéré. Le convoi est arrivé à Auschwitz le 23 septembre 1942. 210 hommes et 144 femmes ont été sélectionnés pour le travail à l'arrivée au camp. Parmi eux, 23 seulement étaient encore en vie en 1945 mais la plupart des adultes ont été immédiatement conduits vers les chambres à gaz.
Marie Jelen qui se préparait à fêter son onzième anniversaire est morte gazée à Auschwitz le 23 septembre 1942.
(informations prises sur le site mémoire juive et éducation)
Pour Marie et les 6 millions de juifs qui ont été assassinés pendant la seconde guerre mondiale, une pensée ce jeudi 1er mai 2008, jour de "yom Hashoah" en Israël. A 10 heures toutes les sirènes du pays retentiront et Israël sera paralysé pendant une minute. La minute de silence et de recueillement pour rendre hommage à ces hommes, femmes et enfants qui sont morts parce qu'ils avaient commis le crime d'être juifs.
Un jour, on collectionnera les témoignages sur les camps de concentration et, ce jour-là, il faudra se souvenir qu'il y eut mille camps dans chaque camp et que, pour certains êtres, ce qui ne les concerne pas immédiatement n'existe pas.
- Germaine Tillion